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À l’approche de Corbeil-Essonnes, le décor s’urbanise peu à peu. J’emprunte des trottoirs, j’aborde une foule polyglotte qui s’aère au pied des immeubles. Je longe des grilles d’écoles et de squares. 

Comme d’autres villes de la région, Corbeil-Essonnes ne m’évoquait jusqu’ici qu’une station de RER. J’y découvre beaucoup mieux : un cloître du XIe siècle, des passerelles fleuries à la confluence de la Seine et de l’Essonne mais aussi, non loin du quartier historique, un majestueux ensemble industriel. Toujours en activité, les Grands Moulins de Corbeil broient le blé à l’anglaise ou à la hongroise depuis plus d’un siècle. 

Les moulins bordent la Seine, mon fil d’Ariane depuis deux jours. Mais, en entrant dans Corbeil, j’ai trouvé l’occasion d’un détour, ou plutôt d’une variante. Et si, pour un moment, je délaissais le fleuve parisien pour l’Essonne, cette courte rivière de 101,1 kilomètres seulement, aux crues faibles et au cours régulier ? 

Je me lance à travers le parc Chantemerle. C’est en fait une fausse piste car l’eau qui coule ici appartient à l’ancien canal de Chateaubourg, en partie combé aujourd’hui : une impasse aquatique. 

En amont, je remets mes pas dans le GR 11C emprunté hier. Dans cette partie peu visitée de Corbeil, le sentier comme la rivière dessinent un croissant : c’est le cirque de l’Essonne, un site naturel de 130 hectares creusé par le cours d’eau. S’aventurer dans ces bois ou ces prairies à demi sauvages, c’est risquer de se perdre car, si les voies sont déjà tracées, le balisage n’est pas encore fait. Voici – cas rare – des sentiers qu’ignorent mes cartes de l’Institut Géographique National. On parcourt ces grands tunnels de verdure comme un labyrinthe végétal, avec le déclicieux frisson de ne pas savoir où l’on est, où l’on va.

Le Cirque de l'Essonne

J’en trouve pourtant l’issue. Nourri de quelques fraises des bois, je taille à travers des blés qui m’arrivent à mi-corps, vers une rangée d’immeubles au loin. 

La Seine, je ne la reverrai que l’après-midi, à Grigny. Ces dernières heures de marche s’ouvrent sur une déception. Ma carte signale l’aqueduc de la Vanne et du Loing que j’espérais longer ici, escorte pittoresque de l’autoroute du Soleil. Mais les travaux de la ligne de tram, semble-t-il, ont eu raison de cette section du monument. 

Aqueduc de la Vanne

C’est une mauvaise passe. Il est seize heures et la forte chaleur pèse sur mes jambes, lourdes à mouvoir sur le goudron de la zone commerciale. Partout, des bazars, des fast-foods, des entrepôts et des camions qui manœuvrent… Je jette un regard coléreux au moulin des Mathurins, un authentique vestige, pourtant, du Viry d’autrefois. Est-ce sa faute s’il subit le voisinage infamant d’un rond-point et d’un hypermarché ?